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DEMAIN.

 

Ah ! laissons un bandeau pour parure au destin.

Élisa Mercœur.
 

Chaque flot, tour à tour, soit qu’il sommeille ou gronde,
Emporte mon esquif où le conduit le sort ;
Et, passager sans nom sur l’océan du monde,
Je m’éloigne incertain de l’écueil ou du port.

J’ai vu s’enfuir le but de qui pensait l’atteindre ;
J’ai vu ce qu’au sourire il succède de pleurs :
Combien de purs flambeaux un souffle peut éteindre :
Ce qu’un baiser du vent peut moissonner de fleurs.


Et j’ai dit : S’il s’éloigne, oublions le nuage :
Qu’importe le matin notre destin du soir ;
De la tombe au berceau charmons le court passage ;
Un moment de bonheur vaut un siècle d’espoir.

Pour chanter, pour aimer, pourquoi toujours attendre ?
Jamais a-t-on vécu deux fois un même jour ?
Et le flot du passé jamais sut-il nous rendre
Un seul de nos momens emportés sans retour ?

Un songe d’avenir trouble la jouissance ;
Ah ! laissons un bandeau pour parure au destin :
Que le malheureux seul existe d’espérance,
S’endorme sur sa chaîne, et se dise : À demain.


(Septembre 1827.)